Une étude réalisée pour la COMHAFAT propose la création d’une nouvelle organisation régionale visant à la mise en œuvre de mesures de gestion pour réduire la surpêche dans les pays de la côte atlantique d’Afrique
Depuis plusieurs décennies, experts, organisations de la société civile, organisations de professionnels de la pêche artisanale et ONG de défense de l’environnement prônent une gestion régionale des stocks partagés de petits pélagiques de l’Afrique de l’Ouest. En effet, l’état de ces ressources, comme la sardinelle, tend à se dégrader faute d’un cadre de gestion durable et concerté.
Le problème se pose aujourd’hui avec une acuité accrue, notamment à cause de l’exploitation anarchique de ces petits pélagiques pour la farine de poisson dans la région. En effet, l’utilisation de poisson frais pour la production de la farine, notamment de sardinelles, nourriture de base pour les populations de la région, est une grande source de préoccupation pour les communautés de pêche artisanale. Malgré le manque de données détaillées, les études indiquent que le stock de sardinelle est actuellement gravement surpêché.
La création d’une organisation régionale de gestion des pêches (ORGP) qui couvrirait ces petits pélagiques partagés par le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie et la Guinée Bissau, devient dès lors de plus en plus pressante. Plusieurs études et initiatives en ce sens ont été proposées par le passé, qui auraient impliqué l’octroi de compétences de gestion à des organisations existantes, comme la CSRP ou le COPACE, mais elles n’ont pas réussi jusqu’à présent, faute de volonté politique.
De la coopération entre états voisins?
Devant ce constat, certains proposent de commencer par des coopérations concrètes entre états voisins, par exemple en matière de recherche, pour aller petit à petit vers une gestion concertée de ces ressources. Ainsi, dans un article publié sur notre site en février 2020, Ad Corten, responsable de la recherche pélagique aux Pays-Bas de 1971 à 1996 et coordinateur de la coopération néerlando-mauritanienne en matière de recherche sur la pêche de 1998 à aujourd'hui, suggérait quatre solutions à mettre en place dans le cadre d’un futur protocole d’APPD entre l’UE et la Mauritanie. La Mauritanie devrait s’engager à :
(1) augmenter considérablement l'échantillonnage des captures pélagiques, à
(2) appliquer les recommandations du groupe de travail de la FAO sur l'évaluation des petits pélagiques au large de l'Afrique du Nord-Ouest et à
(3) entamer des consultations avec le Sénégal voisin sur la gestion conjointe de la sardinelle.
En outre, l'UE devrait :
(4) contribuer aux efforts de gestion régionaux en soutenant le groupe de travail de la FAO qui est actuellement confronté à plusieurs défis.
Une étude de la comhafat propose une nouvelle ORGP
On assiste également à des efforts pour mettre en place un cadre régional de gestion des ressources halieutiques partagées. Suite à une recommandation des Ministres des pêches des 22 pays membres de la COMHAFAT en 2018, une étude sur les modalités de création d’une nouvelle ORGP a été rendue publique en 2020. Le projet de Convention fondatrice d’une nouvelle ORGP propose des solutions concrètes pour établir un cadre juridique international contraignant de nature à favoriser la coopération entre les États côtiers africains pour l’identification et la mise en œuvre de mesures de gestion permettant d’enrayer le cycle de la surpêche.
La nouvelle ORGP devrait être structurée suivant les modèles en vigueur, avec une Commission disposant du pouvoir d’adopter des mesures de conservation et de gestion contraignantes, et des organes subsidiaires chargés d’appuyer les travaux de la Commission (comité administratif et financier, comité de conformité, comité scientifique et secrétariat exécutif). Ce nouvel instrument devrait prendre en compte les spécificités de la zone COMHAFAT, c’est-à-dire principalement i) un champ d’application portant sur des stocks de petits pélagiques et / ou de démersaux exploités uniquement à l’intérieur des limites des ZEE des États côtiers et ii) des stocks exploités qui se répartissent dans les ZEE d’un maximum de 4 à 5 États côtiers. Cette dernière spécificité suggère le besoin d’adopter une approche régionale dans le processus de prise de décision comme le font d’autres ORGP, comme par exemple la Commission Générale des Pêches pour la Méditerranée (CGPM).
Dans le « questions/réponses » qui accompagne la proposition, on peut noter la priorité qui est mise sur la gestion régionale des petits pélagiques : « On peut s’attendre à ce que les parties contractantes souhaitent adopter en priorité des mesures de gestion et de conservation pour les stocks partagés de petits pélagiques et/ou de démersaux qui revêtent une importance particulière pour la sécurité alimentaire des populations africaines, du fait du besoin d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD) adoptés par les Nations-Unies, et en particulier l’ODD 14 ».
Photo entête: Poissons sur la plage à Joal (Sénégal), Mamadou Aliou Diallo/REJOPRA
Dans ce troisième article de la série sur la pêche en Mauritanie, les auteurs passent en revue l'état de surexploitation des stocks de petits pélagiques, examinent les moyens par lesquels l’Accord de partenariat de pêche durable (APPD) UE-Mauritanie aborde la question et reviennent sur la demande de plusieurs parties prenantes d’une organisation régionale de gestion des pêches pour les stocks de petits pélagiques partagés.